L’Expérience de Mort Imminente (E.M.I)
Je fais partie des gens, de plus en plus nombreux, ayant vécu une Expérience de Mort Imminente (E.M.I). Ces gens, ce sont des femmes, des hommes, des enfants qui, sortant d’un coma avancé ou d’une mort clinique, témoignent d’une forme de survie, de conscience après la mort. Lorsqu’ils sortent de cet état modifié de conscience, inaccessible aux facultés de perception ordinaires, donc à priori invérifiable, ils parlent tous de l’amour, de la lumière et de l’infinie béatitude de l’au-delà. Ils en reviennent bouleversés et ne conçoivent plus jamais la vie comme avant.
Le premier médecin qui a étudié ce phénomène est l’américain Raymond Moody. Son ouvrage « La vie après la vie : Ils sont revenus de l’au-delà » est paru en France en 1977. Depuis, les enquêtes et les témoignages se sont multipliés et aujourd’hui, rares sont ceux qui n’ont jamais entendu parler de ce vécu. Les « expérienceurs » témoignent avec force et conviction de la réalité du monde spirituel, comme l’ont fait les héros et les initiés des temps passés. Car la EMI n’est pas un phénomène nouveau. L’épopée de Gilgamesh (2700 ans av. J.-C.), poème de la Mésopotamie ancienne, relate déjà une expérience proche d’une EMI. Traumatisé par la mort de son ami Enkidu, Gilgamesh part pour le Royaume des Dieux avec son corps… Il traverse un tunnel obscur, sa sortie à la lumière, sa rencontre avec un être de lumière, puissant, bienfaisant et juge. Il arrive dans un lieu merveilleux et qui réjouit son coeur. Un fleuve lui montre qu’il a traversé la mort ; il rencontre des parents défunts ; a la révélation de la connaissance ; puis revient sur Terre… Il en résulte pour lui un grand changement intérieur. De même, dans l’ancienne Égypte, lors de l’Initiation l’homme était obligé de sortir de son corps pour faire l’expérience du monde spirituel. La décorporation durait trois jours et se vivait dans un profond sommeil proche de la mort. Le prêtre plongeait le futur initié dans une forme de catalepsie en lui faisant absorber plantes et potions. Le néophyte s’identifiait à tout ce qui peuplait un plan supérieur. Quand il revenait dans son corps, il gardait en lui le souvenir de ce qu’il avait ainsi vécu et pouvait en porter témoignage de façon voilée à ses contemporains. Platon, lui-même initié, parle de ce qu’on pourrait identifier à une EMI dans son mythe d’Er le Pamphylien, tout comme Plutarque lorsqu’il raconte la mort de Thepesios de Soles, sans compter Plotin, St Grégoire, Pape en 590 et Bède Le Vénérable, moine anglo-saxon du Haut Moyen Âge. Plus proche de nous, on trouve Jung dans son autobiographie « Ma vie » ; St-Exupéry, qui dans « Terre des Hommes » raconte son raid Paris-Saïgon de 1935. Lorsque son avion percute et s’immobilise dans la nuit, c’est la panne en plein désert… L’aviateur témoigne d’une situation de Seuil qui s’apparente fort à une EMI (qui a donné naissance au « Petit Prince »…) ; Ernest Hemingway, blessé d’un éclat d’obus au cours de la Seconde Guerre mondiale, a eu l’impression de quitter son corps : « mon âme ou quelque chose qui sortait de mon corps comme quand vous tirez un mouchoir de soie de votre poche, mon âme donc, se déploya autour de moi, puis revint et réintégra mon corps, mais je n’étais pas mort » ; Liz Taylor fait allusion à une EMI dans une interview donné le Paris Match du 6 février 2002 ainsi que Philippe Labro, Expérience de Mort Approchée, « EMA, anagramme de âme » dit-il, dans son livre « La Traversée » ; plus récemment Sylvain Tesson après son accident et sa première chronique « Je reviens au royaume des vivants », et bien d’autres encore …
La EMI a un profil immuable, par-delà les époques et malgré les différences culturelles, religieuses ou sociales. Tous ceux qui l’ont vécue expliquent la même chose : ils parlent d’une sortie de leur corps, se perçoivent au-dessus de celui-ci, et voient tout ce qui se passe autour. Ils peuvent même parfois décrire ce qu’a fait le médecin ou le personnel médical en train d’essayer de les ranimer. Ensuite, ils évoquent l’entrée dans un tunnel, un lieu sombre et silencieux dans lequel ils flottent puis la fusion avec une lumière éclatante. Dans cette lumière il y a souvent des êtres de lumière, des guides ou des défunts qui les attendent, avec lesquels ils peuvent parfois communiquer. Les discours sont si similaires que les différentes phases du processus de EMI ont même pu être listées : sortie du corps ; disparition de la douleur et sensation de paix ; tunnel, parcours dans un lieu sombre ; rencontre avec des êtres de lumière, des guides ou des défunts ; fusion dans la lumière et amour inconditionnel ; panorama de sa vie (qui fait tirer des conclusions sur la capacité que l’on a eu d’aimer sur Terre).
Rien n’illustre mieux l’expérience que le célèbre tableau de Jérôme Bosch « L’ascension vers l’Empyrée » : de grands anges magnifiques arrachent les âmes bénies à une pénombre d’ébène pour les guider vers la lumière éblouissante du « Paradis ». C’est exactement ce que l’on perçoit et ressent quand on passe de l’autre côté… un tunnel, avec la lumière au bout, une « présence » de quelque chose ou de quelqu’un et un insoutenable amour. Depuis les années 90, le tunnel de Bosch s’est définitivement fixée sur ma rétine. « L’autre rive », dont je garde une éternelle nostalgie, me renvoie sans cesse à l’amour, cet amour grandiose qui est le fondement de notre monde, et à l’impérieuse exigence d’éveil et de croissance.
QUESTION : la EMI est-elle une illusion comme certains se plaisent à l’expliquer ? Ou est-elle une véritable expérience spirituelle comme d’autres l’affirment ?
La simple reconnaissance de l’EMI, à défaut de sa compréhension, nécessite d’accepter l’existence de différents niveaux de réalité. Le monde scientifique et les religions occidentales refusent cette idée. Or la EMI ne peut s’expliquer que parce que nous possédons plusieurs « corps » qui évoluent sur des plans qui leur sont propres. L’idée que la conscience peut exister indépendamment du corps physique fait l’objet de controverses multiples. Si elle est encore tolérée sous l’étiquette de liberté de pensée religieuse, virtuellement toutes les disciplines de la science et dogmes de la religion évoluent dans la direction opposée. Elles excluent de leurs théories l’âme et l’esprit, affirmant que corps physique et conscience dépendent absolument l’un de l’autre. Pas de conscience possible sans corps physique. C’est vrai : impossible d’être conscient sur le plan physique sans corps, mais qu’en est-il des autres plans et des autres constituants ? J’affirme pour l’avoir vécu que nous pouvons être conscient sur d’autres plans, indépendamment du corps physique. Le taoïsme, le boudhisme, l’Ancienne Égypte, Platon, la Théosophie, l’Antroposophie, parlent de ces autres « corps ». Rudolf Steiner, le fondateur de l’Antroposophie, leur donne le nom de corps éthérique, corps astral et Moi. Ces corps pourraient se détacher du corps physique et la conscience glisser dans ces autres « corps », rendant l’homme conscient sur un autre plan.
Oui, la EMI est une véritable Initiation… Mais c’est une Initiation qui n’est plus vraiment adaptée pour notre époque car elle se vit sur un mode pré-christique, telle qu’elle se pratiquait en Ancienne Égypte par exemple. Dans ce lointain passé, la psyché humaine n’était pas la même. L’homme n’avait pas la pensée conceptuelle que nous avons, il n’était pas individualisé, le Christ n’était pas encore venu sur Terre ; le futur initié devait « mourir » (sortir de son corps) pour aller dans le monde spirituel, il ne pouvait pas le faire consciemment en restant dans son corps ; il devait aussi garder le silence sur les secrets de l’Initiation sous peine de mort . C’est ce qu’explique par exemple Apulé dans son ouvrage « Métamorphoses ». Il décrit sa propre Initiation aux Mystères d’Isis et d’Osiris auxquels il aurait été initié lors de son séjour en Grèce: « Le grand prêtre écarte ensuite les profanes, me fait revêtir d’une robe de lin écru, et, me prenant par la main, m’emmène dans le plus profond des sanctuaires. Sans doute, ami lecteur, votre curiosité va s’enquérir de ce qui se dit, de ce qui se fit ensuite. Je le dirais, s’il m’était permis de le dire ; vous l’apprendriez s’il était permis de l’apprendre. Mais il serait crime au même degré pour les oreilles confidentes et pour la bouche révélatrice (…) Écoutez et croyez, car ce que je dis est vrai. J’ai touché aux portes du trépas ; mon pied s’est posé sur le seuil de Proserpine. Au retour j’ai traversé les éléments. Dans la profondeur de la nuit, j’ai vu rayonner le soleil. Dieux de l’enfer, dieux de l’empyrée, tous ont été vus par moi face à face, et adorés de près. Voilà ce que j’ai à vous dire et vous n’en serez pas plus éclairés. » Le candidat à l’Initiation est ici entraîné dans une expérience aux frontières de la mort (j’ai touché aux portes du trépas) et de rencontre avec la lumière (j’ai vu rayonner le soleil).
Quand on vit une telle Initiation aujourd’hui, en sortant de son corps, il faut faire l’effort de la « mettre au goût du jour », la christifier en quelque sorte. On doit s’efforcer de la rendre la plus consciente possible, même si c’est à postériori, notamment en témoignant ce qu’on a vécu (on n’est plus tenu au silence), c’est-à-dire trouver les mots justes pour en parler (ce qui demande d’étudier les phénomènes spirituels et la spiritualité en général). La EMI est un « cadeau » du destin, on ne doit pas la garder pour soi. On a une responsabilité dans la transmission aux autres. Car il est facile de jouir du nouvel état intérieur donné par une EMI, de se complaire dans la plénitude qu’elle procure. On peut s’en contenter et ne rien faire de plus. Certes, on est certainement plus aimant et serviable avec les autres, nos valeurs ont changées et la mort ne nous fait plus peur, mais est-on moins égoïste pour autant ? La lumière d’amour du Christ dont nous avons été abreuvé dans l’au-delà peut facilement tourner en lumière « luciférienne » quand on revient sur Terre si on ne travaille pas sur soi. Il faut dépasser l’extase et le merveilleux, saisir cette expérience à bras-le-corps pour la comprendre dans sa dimension spirituelle et puiser en elle toute la force nécessaire pour vivre en pleine conscience, dans le corps, l’Initiation moderne. Le deuxième effort c’est de ne pas oublier que cette Initiation passe par la lumière du Christ (même si certains expérienceurs appelle cette lumière Bouddha, Vishnou, l’Eternel ou Allah, cela n’a pas d’importance). Il ne s’agit pas, bien sûr, du Christ des religions mais du Christ dans sa dimension terrestre et universelle dont le fondement est la conscience de soi et la liberté. On doit s’efforcer de devenir un être libre hors des dogmes, des croyances et des conditionnements. Une tâche difficile qui s’accomplit par la connaissance spirituelle et le travail sur soi. La méditation et la relation à l’autre sont aussi essentielles. Ce n’est plus la volonté de vivre pour soi-même qui doit fait battre le sang mais le Christ en soi… Les expérienceurs ont reçu toutes les ressources nécessaires pour devenir les précurseurs d’une nouvelle façon d’entrer en relation avec le monde spirituel, librement et hors de tout dogme. Sans jamais rien imposer, à ceux qui le demandent, à ceux qui veulent savoir, ils doivent partager…
QUESTION : d’après ce que vous dites, la EMI est un » cadeau » du destin qu’il faut transmettre aux autres. Pouvez-vous nous parler de votre propre expérience ?
J’ai été marquée, comme au fer rouge, par la lumière du monde invisible. Cette lumière est inconnue sur Terre. Elle n’est pas extérieure à soi. On ne la « voit » pas au sens visuel du terme, on en fait l’expérience. Elle est amour et connaissance, comme si la lumière nous parlait et nous aidait à nous souvenir de ce que nous avons toujours su. Cette lumière est quelqu’un plutôt que quelque chose et l’amour dans lequel on baigne n’a rien d’émotionnel. Il n’est lié à aucun sentiment. Je ressentais que cet amour s’adressait à moi et pourtant il n’avait aucun caractère personnel. Il correspondait davantage à un état, une façon transcendante d’exister, comme si l’amour coulait à travers moi. Je me ressentais être à la fois moi-même et tout le monde ; le temps n’existait plus, j’étais dans une sorte d’éternel présent ; il y avait aussi cette étonnante impression de familiarité, comme si je reconnaissais l’état de conscience dans lequel j’étais. Ce que je cherchais confusément sur Terre était là, tout simplement, en moi et autour de moi, comment avais-je pu l’oublier ? J’ai aussi revu toute ma vie jusqu’à ma naissance, trente-deux ans de vie mais pas à la manière d’un film se déroulant dans le temps, plutôt comme un grand tableau vivant dans lequel j’étais plongée. Je voyais et éprouvais tout en même temps. C’était une mémoire vivante. Aucun détail, même anodin, ne m’échappait. Ce faisant j’évaluais mon amour : avais-je suffisamment aimé ? Non, bien sûr… Je me promettais de le faire si je revenais sur Terre. Je n’avais d’ailleurs pas envie d’y retourner sur Terre… J’apprenais que je n’avais pas fini ce que j’avais à faire. Certes, je n’ai pas su précisément ce que je devais faire sur Terre mais j’avais appris l’essentiel : je n’étais pas sur Terre par hasard et sans raison. La vie a un sens. J’ai gagné la grâce d’en avoir la plus profonde conviction.
Lors du retour dans mon corps, j’ai eu l’impression de quitter la vraie vie pour entrer dans un film ; celui dont j’étais l’actrice principale dans cette vie. Il m’a fallu du temps pour réintégrer mon corps correctement, je me suis longtemps vue de dos, avec l’impression de téléguider mon corps à distance. Il m’a fallu aussi des années pour comprendre et intégrer ce que j’avais vécu. Je continue, encore aujourd’hui de l’assimiler. J’ai vécu cette expérience fin 1988, il y a donc plus de 30 ans. Je n’ai pu en parler clairement aux autres que dix ans plus tard. J’ai dû tellement étudier, par-delà les croyances et les dogmes, mais aussi le vérifier intérieurement et trouver les mots justes pour en parler de façon vivante.
Dès 1989, je me suis consacrée à la connaissance de soi et à la quête spirituelle. J’ai rencontré l’Antroposophie en 1992. C’est R. Steiner qui a su le mieux mettre les mots justes sur mon vécu intérieur. Les connaissances que je partage sont issues de ce grand Initié créateur de l’Antroposophie. J’ai commencé à écrire et animer des conférences et des séminaires dans tous les pays francophones. Pas pour parler de ma EMI, mais de connaissance spirituelle et de la nécessité d’étudier pour nourrir notre âme assoiffée de Dieu.
Aujourd’hui je m’identifie beaucoup moins à mon corps physique, j’ai davantage de recul par rapport à moi-même et aux événements de ma vie ; pas mal de valeurs auxquelles je me référais avant ne font plus partie de mon champ de conscience ; j’ai la certitude que nous avons tous quelque chose à faire sur Terre, que nous ne sommes pas là par hasard et sans but ; je suis aussi habitée par une soif d’étudier la réalité spirituelle, de travailler sur moi, de comprendre le monde et l’être humain et de transmettre aux autres l’amour de la connaissance. Avec le recul dû aux années, je me sens aujourd’hui habitée par une forte conviction dans la véritable dimension de l’être humain. La vie n’est pas du tout ce qu’on croit, ni l’homme d’ailleurs. C’est comme si on voyait tout à l’envers. Ma conviction inébranlable dans l’après-vie me donne une forme d’intuition de l’au-delà, du sommeil et de la mort. Certes, tout cela reste mon expérience et ne suffit pas à prouver que je décris une réalité universelle. Mais avec du bon-sens, pas trop de préjugés et la volonté de connaître, on peut découvrir cette réalité par soi-même. J’espère toujours stimuler chez les autres l’envie de connaître et de comprendre…